Des personnes adoptées exaspérées d’attendre pour retracer leur famille biologique.

Ils pourront enfin obtenir plus d’information sur leur famille biologique… mais dans deux ans seulement

NORA T. LAMONTAGNE

Journal de Montréal  13 octobre 2022

Des personnes adoptées âgées ou malades désespèrent de connaître leurs origines avant de mourir puisqu’un nouveau projet de loi censé faciliter leurs recherches n’entrera en vigueur qu’en 2024.

«Le gouvernement a toutes les réponses… Mais moi, dans deux ans, je ne sais même pas si je serai encore vivante», témoigne Jacinthe Boucher, une femme adoptée à trois mois, dont les jours sont aujourd’hui comptés.

Atteinte de fibrose pulmonaire idiopathique, cette dernière âgée de 59 ans souhaite de tout cœur connaître l’identité de sa famille biologique (parents, sœurs et frères) de son vivant.

Le projet de loi 2, adopté sans fanfare par l’Assemblée nationale en juin dernier, lui permettra enfin de répondre à ses questions

«Peut-être que c’est ça qui me tient en vie», glisse Mme Boucher, qui a déjà dépassé son pronostic de survie d’un an.

Dorénavant, les parents biologiques ne pourront plus refuser de révéler leur nom à leur enfant adopté, et les frères et sœurs pourront se retrouver sans que tous les membres de la fratrie en fassent la demande, entre autres.

Sylvie Bastien, une retraitée férue de l’histoire de l’adoption au Québec, a calculé qu’environ 77 000 adoptés toujours en vie bénéficieront de la nouvelle loi, un chiffre jugé vraisemblable par le professeur émérite en démographie Robert Bourbeau

Des années d’attente

Tous ces changements sont très bien accueillis par les partisans du droit aux origines… à un détail près.

Le texte de loi prévoit qu’ils entreront en vigueur le 8 juin 2024, sauf si le gouvernement décide de devancer cette date.

«Deux ans, c’est énorme. […]. Et c’est regrettable parce que les adoptés vieillissent et que les gens recherchés vieillissent. De plus en plus, le parent biologique [retrouvé] est décédé», souligne Caroline Fortin, présidente du Mouvement Retrouvailles.

C’est sans compter le délai qu’il faudra pour traiter les demandes, qui s’étirent actuellement sur des mois, voire des années.

Jamais de réponses

Autrement dit, les démarches des adoptés, dont plusieurs ont plus de 70 ans ou un état de santé précaire, pourraient s’échelonner sur trois ou quatre ans.

«Il y en a qui ne se rendront pas jusque-là, qui n’auront jamais réponse à leur quête identitaire», déplore Sylvie Bastien, elle-même adoptée. 

Questionné par Le Journal, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) affirme que ce délai est nécessaire pour réviser ses pratiques et ses formulaires, former les intervenants, et diffuser l’information à la population.

Le MSSS connaît «une rareté de main-d’œuvre […] pour ce type de service spécialisé», ajoute la porte-parole Marie-Hélène Émond.

De plus, il est «envisagé» que les personnes dont les dossiers sont actuellement traités en vertu de l’ancienne version de la loi doivent renvoyer une autre demande au ministère en 2024. On ne peut pas prendre pour acquis que ceux qui ont entrepris une démarche en 2017 souhaitent toujours le faire, justifie-t-on.

«Tant qu’à moi, c’est une réponse bidon, réagit Caroline Fortin, du Mouvement Retrouvailles. Quand les gens entreprennent leurs démarches, c’est parce qu’ils veulent des réponses.»

En septembre 2022, le ministère a reçu plus de 64 000 demandes concernant la divulgation de l’identité d’un parent d’origine, de la fratrie ou de l’identité à la naissance.

La fillette à l’âge de 12 ans.

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