C’est un cri du cœur, une bouteille jetée à la mer pour tenter de retrouver ceux qui, pour des raisons qui leur appartiennent, ont fait le choix de les abandonner à la naissance. Nés sous X, ils sont ainsi de plus en plus nombreux à lancer des avis de recherche sur les réseaux sociaux dans l’espoir de lever le voile sur leurs origines.
« Je suis née le 24/10/1976 à Saint-Pierre sur l’île de la Réunion. Je suis à la recherche de mes origines » ; « Je suis née le 1er octobre 1984 au Port à la Réunion à 17h45, je sais juste que ma mère biologique était jeune » ; « Je suis née sous X le 11 novembre 1998 à Ivry-sur-seine, et j’ai des origines péruviennes et réunionnaises« …
Depuis quelques années, les messages de ce genre se multiplient sur les réseaux sociaux, en particulier sur Facebook. Lésés par une loi qui refuse de divulguer aux enfants adoptés l’identité de leurs parents biologiques lorsque ces derniers n’en ont pas exprimé le désir, de plus en plus de personnes nées sous X s’emparent de Facebook dans l’espoir insensé de remonter par leurs propres moyens à leurs origines.
Insensé, car leurs avis de recherche s’apparentent à de véritables gouttes dans un océan d’informations et de publications, visibles par une infime minorité d’internautes. Pourtant, même si les chances sont minces, voire inexistantes, ils veulent y croire. Après tout, les quelques histoires heureuses véhiculées sur le web sont là pour leur rappeler que tout est possible.
Lisa, une jeune maman résidant en métropole peut en témoigner : trois ans après s’être lancée dans des recherches, elle est parvenue l’année dernière à retrouver sa mère à la Réunion et son père à seulement quelques heures de route de son domicile, suite à un article dans le Journal de l’Ile et sur le site Internet Clicanoo.
Consciente de sa chance folle, elle a eu ces mots d’encouragement pour tous ceux qui galèrent depuis des années dans leur quête folle : « Ne perdez pas espoir ! Parfois on a de bonnes surprises, d’autres fois non… Ça prend du temps, mais surtout, ne lâchez pas prise ! C’est important de trouver les réponses à ses questions et rien n’est impossible ».
L’espoir est toujours là
Pour se rendre visibles et optimiser leurs chances de se faire reconnaître par un parent ou une connaissance, beaucoup d’enfants adoptés se regroupent au sein de communautés sur Facebook comme « Une bouteille à la mer », « Recherche parents biologiques » ou encore « Retrouver une personne perdue de vue sur Jeterecherche ! ». Tous disposent de maigres informations : une date de naissance, un prénom et un lieu de naissance. Parfois aussi le prénom du père et/ou de la mère. Mais guère plus. Pourtant, l’espoir est là. Indéfectible.
« 34 ans que j’essaye de te trouver, j’espère que Facebook pourra m’aider« , écrit une internaute qui a vu le jour au Port.
Tous sont animés par la même motivation : connaître leurs origines. Sans juger, sans critiquer ou condamner. « Se construire sans racine ce n’est pas évident. Je voudrais juste avoir des réponses« , précise cette femme de 44 ans, qui a créé il y a deux ans et demi sa propre page de recherche sur Facebook : « Née sous X 24/10/1976 La Réunion ».
Partout, on retrouve ainsi la même supplique : « Partagez en masse, aidez-nous à retrouver nos parents biologiques ! »
Alors peut-être qu’à force de partages, leur message parviendra à celui ou celle qui manque tant à leur vie.
Nathalie Techer
ntecher@jir.fr
Après les retrouvailles…
« On a toujours peur d’être abandonné à nouveau«
Il y a un an, Lisa, née sous X, retrouvait sa mère à la Réunion et son père en métropole. Passée l’euphorie des retrouvailles, il a fallu apprendre à se connaître et instaurer une nouvelle relation.
Pourquoi, quand on est né sous X, éprouve-t-on le besoin de connaître ses origines ? Ne peut-on simplement s’épanouir dans la famille dans laquelle on a grandi sans chercher à regarder en arrière ?
Je pense qu’on subit une certaine forme d’injustice. Pourquoi moi ? Pourquoi suis-je différente des autres ? Je pense que c’est aussi à cause (ou plutôt grâce) aux questions des personnes extérieures. On s’épanouit d’une certaine façon au sein de notre famille adoptive, on reçoit de l’amour, de l’éducation… mais il y a un moment où on a besoin de repères, de réponses à nos questions.
Comment se sent-on quand on a atteint son objectif, quand on retrouve ses parents ?
On passe par plusieurs phases, en tout cas, c’est ce qu’il s’est passé pour moi. Dans un premier temps, on a du mal à réaliser. Même si on s’était préparé psychologiquement, c’est difficile de réaliser ce qu’il se passe. J’ai eu un gros blocage avant de me rendre compte que oui, c’était bien réel. Pour ma part, tout s’est déroulé très rapidement. On se demande qui sont nos parents, mais pas seulement. Qui sont nos grands-parents, est-ce que j’ai des frères et sœurs, des oncles, des tantes… Puis, évidemment, quand on y arrive, on est si heureux et si fier du chemin parcouru ! D’autres questionnements arrivent par la suite, en fonction des vérités qu’on découvre. Personnellement, je suis passée par des phases de joie, de fierté, de déni, de peur, de soulagement.
Les parents biologiques sont-ils tels qu’on se l’était imaginés ? Ne doit-on pas faire le deuil de l’image qu’on avait d’eux pour pouvoir instaurer une vraie relation ?
On se fait une image de ce qu’on aimerait, mais aussi de son opposé. C’est difficile de trouver le juste milieu. En tant qu’enfant, on a beaucoup d’attentes, c’est comme repartir à zéro. Il ne faut pas oublier que c’est un bouleversement pour nous, mais aussi pour les parents. On se pose des questions différentes, on a des ressentis différents qui peuvent mener à beaucoup d’incompréhension. Le piège serait de vouloir précipiter les choses.
Est-on suffisamment préparé à un éventuel rejet de leur part ?
Non ! Enfin, peut-être… Tout dépend des liens qu’on crée dès le départ. Mais, évidemment on a toujours la crainte d’être de nouveau abandonné avec, en plus, la peur de la trahison, cette fois.
Une fois qu’on a retrouvé ses parents et qu’on connaît ses origines : est-on apaisé… ou a-t-on toujours peur ?
Quand on obtient nos réponses, on se sent soulagé, bien sûr. Moi, ça m’a permis de m’accepter telle que je suis. Ça a clairement changé ma vie et je sais maintenant qui je suis. Ça fait bientôt un an que j’ai retracé mon histoire mais en fin de compte, c’est encore récent si on compare à 24 ans de vie. Malgré le soulagement, je reste encore avec beaucoup de craintes et la peur de l’abandon.
« Aidez-nous à retrouver nos parents !«
Voici une sélection d’avis de recherches laissés sur Facebook par plusieurs personnes d’origine réunionnaise nées sous X.
Sur la page « Retrouver une personne perdue de vue sur Jeterecherche ! »
• Evy Crevits : « Je suis née le 16 janvier 1980 à 7h35, dans le 3ème à Marseille (13) à la maternité Belle de Mai avec comme nom (VANINA) ANDREA Marie-Françoise. Mes parents biologiques sont d’origine réunionnaise. J’étais un tout petit bébé de 45 cm pour 2,6 kg et malade (toxoplasmose). On m’a hospitalisée le 17 janvier 1980 à l’hôpital du CHU de la Timone, j’en suis sortie le 29 janvier 1980 pour être directement admise en foyer. J’ai été reconnue légalement à la mairie du 6ème arrondissement de Marseille le 21 janvier 1980, le même jour où tu as déclaré officiellement vouloir m’abandonner.
Je n’ai que peu d’informations et bien évidemment que des photocopies de mon dossier d’adoption, la plupart des informations ont été enlevées au correcteur. Si vous avez la moindre information, merci de me tenir informée. Je ne juge absolument personne, je suis juste une maman qui voudrait connaître ses origines et son histoire. Je me sens toujours orpheline du fait de n’avoir aucune famille proche… mais je garde espoir ».
• Luc Jean : « Je recherche père et mère. Souhaitant connaître l’histoire de ma naissance, mais également connaître mon identité. J’ai l’espoir d’une chance inattendue, d’un renseignement où un témoignage pouvant m’aider. Né sous X à Saint-Pierre de la Réunion à trois jour d’intervalle avec un autre bébé né sous X. Cette année-là, en 1976, les 24 et 27 octobre sont nés deux enfants une petite fille et un petit garçon. Tous deux abandonnés sous X… ou bien peut-être deux bébés volés (en référence à l’organisation administrative de Debré). Merci d avance pour le partage et d’éventuels retours ».
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• Edouard Castay : « Je tente ma chance. Je recherche mon père qui aurait vécu à Bordeaux dans les années 90. Peut-être avant, vu qu’il m’a conçu avec ma mère en janvier 90 et que je suis né en octobre. Il serait parti à la Réunion avant ma naissance. Il s’appellerait Willian Rivière. Il a vécu en Gironde et devrait avoir la cinquantaine aujourd’hui ».
• Elodie Saura Delon : « Je recherche avec mon mari sa mère biologique. Il est né à Saint-Denis de la Réunion le 22 juin 1994 et avait pour prénom Paul Olivier. Déposé à la pouponnière de la Providence. Sa mère avait à peu près 16 ans au moment de sa naissance. Nous n’avons malheureusement pas plus d’informations. Merci par avance ».
• Jessica Razanajatovo : « Je recherche mon père biologique qui s’appelle Daniel Sauvage. Il est de père réunionnais et de mère malgache. Je ne connais pas sa date de naissance, mais il serait né entre 1952 et 1957 à Madagascar peut-être. Il vivait à Madagascar avec ses parents où il a rencontré ma mère dans la ville de Tamatave. Il a quitté Madagascar avec sa famille pour aller en France à Noyon dans L’Oise en octobre 1973 où il aurait travaillé dans un garage. C’est tout ce que sais sur lui. Merci à tous ceux qui pourront m’aider ».
• Jérém Grondin : « Je suis à la recherche de mes parents biologiques. Je suis né sous X le 27 juin 1991 à 15h30 au CHD de Bellepierre à Saint-Denis de la Réunion. Ma mère biologique m’a donné comme prénom Jérémy Thomas. J’ai été placé à la pouponnière de la Providence. Certaines personnes par le passé m’ont dit que je ressemble à quelqu’un qui habite du côté de la Grande Fontaine à Saint-Paul. Voilà les seules infos que j’ai, merci de m’aider ».
• Maman qui déchire : « Je recherche des informations sur mon père biologique que je n’ai jamais vu. J’aurai été conçue vers décembre 1982 /janvier 1983 sur Lyon. Son nom : Michel Dabreton. Réunionnais. Chauffeur de bus. J’ai été reconnue à la naissance par mon papa d’aujourd’hui, toujours présent, et j’ai su à 12 ans qu’il n’était pas mon père biologique. Aujourd’hui j’aimerais connaître un peu plus mon identité et mes origines. Et pouvoir au moins connaître le visage de mon père ».
• Mika Do : « Je recherche mon jumeau, Robert, nom inconnu. Il est né le 02/01/62 Paris12. Il est réunionnais de type africain. A rechercher sur Saint-Denis de la Réunion et sur Saint-Denis 93000. Nous avons été séparés à la naissance par Monique L. le 1er août 62. Dernière adresse : Epinay sur Seine.
Sur la page « Recherche mère biologique ou enfant née sous X »
• « Je suis né sous X le 22 juin 94 à Saint Denis de la Réunion. Je n’ai pas d’autres éléments mais j’espère que vos partages feront beaucoup. Merci »
• « Je m’appelle Sarah, je suis brune aux yeux verts, je suis née sous X le 11 novembre 1998 à Ivry-sur-Seine, et j’ai des origines péruviennes et réunionnaises ».
• « Je suis née sous X le 20 mai 1990 à Saint-Denis de la Réunion et je recherche ma mère biologique. Dossier vide. Merci ».
• « Je suis née le 1er octobre 1984 au Port à la Réunion à 17h45. Je sais juste que ma mère biologique était jeune ».
Sur la page « Née sous X 24/10/1976 La Réunion »
« Je suis née le 24/10/1976 à la Réunion à la maternité de Saint-Pierre sous les nom et prénom de Denise Jeanne. J’ai été placée à la pouponnière de Saint-Denis pendant 3 mois pour ensuite être adoptée par un couple en métropole. Je compte sur vous tous pour partager cette page le plus largement possible ».
Des mamans recherchent aussi leur enfant
Il n’y a pas que les enfants nés sous X qui recherchent leurs parents biologiques. Sur Facebook, quelques mamans font aussi cette démarche pour retrouver l’enfant qu’elles ont laissé à l’adoption. Sur la page « Recherche parents biologiques ! », une certaine Ka Rine écrit ainsi : « Je recherche un garçon né le 27 février 1991 à l’île de la Réunion à Saint-Benoit. Si tu vois mon message, n’hésite pas : je te recherche depuis bien longtemps. Tu es né sous le prénom de Didier. Merci à tous ». Sur la page « Enfants de la Réunion nées sous X », Vienne Magalie a laissé le message suivant : « Je recherche mon fils qui est né en janvier 1996 à Saint-Pierre île de la Réunion ».
« Je veux retrouver ma sœur avant de quitter ce monde »
« Je m’appelle Lauret Thérèse Nicole (âgée de 68 ans). Je recherche désespérément ma petite sœur qui s’appelle Lauret Marie Antoinette née en 1957 à la Réunion. Elle avait entre 3 et 4 mois quand elle a été placée chez des gens que je ne connais pas, puis placée chez les sœurs au foyer Marie Poitevin à la Plaine des Cafres. Sa mère biologique s’appelait Emelda Theodestie et son père biologique Lauret Joseph Daniel. Je ne voudrais pas quitter ce monde sans avoir de tes nouvelles, juste me dire que tu es là.
J’en appelle à votre bonté et votre gentillesse pour partager ce message sur tous vos réseaux sociaux, pour que je puisse réaliser mon plus grand rêve : celui de retrouver ma sœur que je n’ai pas vue depuis l’âge de 5 ans. Mille mercis à vous ».
Si vous avez des informations veuillez contacter : Instagram : luciiiie_d9 Facebook : Bedan Ivrisse Facebook : Catherine Xavier