C’est le 24 décembre au matin. Il y a beaucoup d’effervescence dans la maison. Tout est magnifiquement décoré! En sourdine, j’entends des cantiques de Noël qui me rendent nostalgique. Le sapin de Noël s’est paré de ses plus beaux atours, hier, et j’ai ajouté aux autres ornements, comme à chaque année, une boule, un cœur, un ange, une lanterne, un lutin, un Père Noël, une étoile en me disant qu’il y aura quand même un peu de toi, ma fille, parmi nous, ce soir, au Réveillon…
Les enfants bavardent et crient tout excités. Ils sont ravis de voir leurs cadeaux sous l’arbre. Je tente d’esquisser un sourire… Je dois m’occuper pour avoir moins mal… Avec de l’aide, je dresse les tables, avec soin, décorées de jolies nappes des Fêtes accompagnées de beaux centres de table et bien sûr, des bougies, qui donnent de l’ambiance. Quand je les allumerai, ce soir, je ferai un vœu en pensant à toi qui n’es pas là avec nous, encore une fois… Il restera toujours une place et un couvert disponibles pour toi. Quand je dispose les coupes à vin, sur la table, je me dis que dans la soirée, je porterai un toast à toutes celles et à tous ceux que la vie a séparé(e)s, dès la naissance, et qui ne seront pas encore rassemblé(e)s, ce soir. J’ai le cœur gros…Ouf! plus le temps avance, plus mon cœur est serré comme dans un étau. Il manque encore quelqu’un ce soir…
Je regarde quelques instants les petits flocons de neige qui valsent tout doucement et je pense, je rêve, j’espère… En revenant de la fenêtre, je vois les cartes de Noël, dont la tienne, celle que j’écris à chaque année, en t’attendant… Elles sont suspendues sur ma «corde à linge à cartes» mais tu ne la liras pas…
Le temps avance à grands pas. De la cuisine, me parviennent des odeurs exquises de vanille, de chocolat, de dinde, de pâtés et de ragoût. Je dois surveiller le tout afin que rien ne brûle car je suis plutôt perdue dans mes pensées. Un parfum me manque et c’est le tien…
Je t’imagine, au loin, fêtant avec tes sœurs, tes frères et tes parents. J’espère si fort que tu es heureuse! Penses-tu à moi, aujourd’hui, toi qui es au bout du monde, au bout de «mon monde»? Sais-tu que tu es adoptée?
Les visiteurs commencent à arriver. Ils rient, parlent fort, chantent et ont des mines réjouies. C’est très bien ainsi mais moi, sans trop le faire paraître, je suis à mille lieux de toutes ces réjouissances et je suis songeuse. Ta place sera toujours aux premières loges, dans mon cœur, mais tu ne seras pas avec nous, à la table, ni pour développer tes cadeaux, ni pour chanter, danser ou t’amuser. Toute la famille est là sauf toi!
Je ne veux pas infliger ma peine aux autres. Je ne veux pas assombrir leurs joyeux moments donc, je m’efforce de sourire mais comment pourrais-je t’oublier? Tu es mon enfant, la chair de ma chair, le sang de mon sang, et ces Fêtes, tu ne les passes pas avec nous alors que tout nous rappelle la famille, les réunions, les rassemblements! Nous nous souhaitons Joyeux Noël à minuit. Je me retire après mes vœux et je me faufile à la salle de bains, pour pleurer. Mon cœur veut se fendre, comme c’est douloureux!
En même temps, je vois briller dans les yeux des enfants la magie de Noël et je sais l’apprécier mais je suis divisée. Je veux célébrer, m’amuser mais il m’est difficile d’afficher un sourire alors que dans mon cœur, une épine est plantée… je cherche, j’attends et j’espère toujours la rose, toi, ma fille, que j’ai confiée en adoption. Où que tu sois, je te souhaite Joyeux Noël, sois heureuse et je t’embrasse. Seras-tu là l’an prochain?
Ce texte a été écrit par madame Marthe Charest, qui a retrouvé sa fille en 2003.