
Article de Jocelyn Le Guen, psychopraticien
Revoir sa famille biologique n’est pas un acte anodin, c’est même le projet de toute une vie pour certains adoptés. Dans cet article j’explique 5 possibilités qui montrent que nous sommes prêts à la rencontrer.
Comment savoir si on prêt à rencontrer sa famille biologique ?
Avertissement : Les conseils qui vont suivre ne sont pas universels. Ils sont néanmoins une base qui vous aidera à anticiper la rencontre avec votre famille biologique.
1) Avoir anticipé les différents scénarios :
Autrement dit, vous êtes prêt à être surpris ; agréablement comme désagréablement. Quand on part retrouver sa famille biologique, on s’attend généralement à de la joie, des pleurs et embrassades au moment des retrouvailles. C’est ce qui nous est le plus montrer, en tout cas dans les médias. Et il n’y a rien de plus beau ! Mais la réalité n’est pas toujours ainsi.
Certaines mères ou familles biologiques sont idéalisées par les adoptés. N’ayant jamais vu de visage auquel s’identifier de façon génétique, nous aurons tendance à avoir de « belles » attentes. Or la réalité peut être tout autre. La plupart des mères de naissance qui ont décidé l’adoption, l’ont fait parce qu’elles étaient pauvres ou ne pouvaient assumer leur enfant à cause de leurs conditions de vie, que ce soit matériel ou au niveau de la santé.
Un ami (adopté) m’a raconté l’enthousiasme qu’il avait quand il a découvert qu’il avait une grande famille biologique et qu’il allait la rencontrer. Une fois sur place, il se rendit compte que ses frères et sœurs étaient en mauvais termes et habitaient à plusieurs endroits différents du pays. Le père n’avait plu vraiment de rapport avec eux et que la mère vivait dans un quartier pauvre avec une partie des frères et sœurs restants. Bref, la famille était morcelée. C’était un peu une surprise au début mais qu’il a su accepter peu à peu.
Il est donc important de s’attendre à tout, car « ne s’attendre à rien » est une illusion. Nous nous attendons forcément à quelque chose lorsque nous sommes sur le point de rencontrer ceux qui partagent le même sang que nous.
2) Être conscient de notre blessure :
On a été marqué plus fortement que la moyenne par la blessure de rejet et d’abandon. Certains adoptés l’ont très bien géré tandis que d’autres y sont encore sensibles. Ces blessures vont faire que vous aurez sûrement besoin de vous rassurer pour les calmer, d’où cette pression que vous pouvez ressentir à vouloir retrouver votre famille biologique.
Il faut aussi être conscient que nous aurons possiblement une tendance à redevenir un enfant face à notre mère biologique, comme si on voulait rattraper le temps perdu. C’est une réaction humaine lors des retrouvailles. Vous pouvez profiter de ces émotions riches et intenses, mais assurez-vous juste de vous rappeler (dans les moments appropriés) que vous êtes toujours un adulte.
La mère peut aussi avoir ce comportement « régressif » dans le sens où elle sera émotionnellement replongée au moment où elle était jeune et venait de vous mettre au monde. Tout deux, vous conjurerez le mauvais sort du passé.
Dans le cas contraire, ce sera du déni . Celui qui visera à ne pas reconnaître sa mère biologique comme sa mère, puisque c’est “elle” qui nous a abandonné. Cette réaction est égoïste puisqu’elle considère que nous sommes les seuls à avoir souffert de la séparation, alors que nous ne sommes pas seuls dans ce traumatisme. Je le développe dans les prochains points.
3) Accepter que la mère biologique partage notre blessure :
Parfois, une mère biologique peut ne pas vouloir revoir son enfant. Cette décision de sa part peut être vécu durement par vous. Vous avez le droit de lui en vouloir mais vous devez aussi garder de l’empathie pour elle.
Plusieurs témoignages de mères de naissance ont finalement montré qu’elles prenaient ce genre de décision parce qu’elles n’étaient toujours pas parvenues à surmonter le sentiment fort de culpabilité, qui les avaient marqué profondément, au moment de l’abandon. Se sentant au final indigne de revoir l’enfant qu’elles ont abandonné.
Il se peut aussi que certaines mères restent dans le déni : “L’enfant a été abandonné, on ne peut plus revenir en arrière.” C’est un moyen de défense par rapport à l’émotion forte qu’est de se séparer de la chair de sa chair et surtout de ne pas savoir comment réparer un tel acte. La blessure psychologique est là, dans l’inconscient, mais ne peut être surmontée.
Ce qui nous lie et nous liera toujours :
Un lien qui ne peut ne pas être changé entre notre mère biologique et nous, est celui du sang. Elle nous a permis de nous développer en elle durant 9 mois, elle nous a mis au monde et c’est avec elle que nous avons partagé nos premiers moments dans le monde « extérieur ».
Quoi qu’on en dise, nous n’avons jamais été aussi proche d’une personne même si on aimerait ne pas y penser. C’est symbolique et tout à fait normal en tant que mère biologique, d’avoir été blessée par la séparation. Et si nous en avons l’occasion, il est fortement recommandé de renouer le contact afin d’être en harmonie avec ce passé en commun.
4) En avoir parlé avec nos parents adoptifs :
Certains parents adoptifs, surtout les mères, connaissent l’importance du lien génétique qu’il y a entre une mère et son enfant.
C’est pour cela qu’il y aura deux réactions possibles :
- Soit un soutien encourageant dans les démarches de leur enfant adopté (et c’est parfait !).
- Soit une crainte d’abandon de la part de leur enfant adopté. Ce qui peut pousser à ralentir ses démarches ou détériorer les rapports.
Parents adoptifs ouverts :
Il est normal que nos parents adoptifs ne soient pas indifférents à nos recherches. C’est une quête de nous-même, dans laquelle ils nous voient nous, leur enfant certes adopté mais leur enfant quand même, évoluer au fur et à mesure que nous avançons. C’est une recherche que nous ne pourrons pas garder qu’avec nous-même. Si nos parents s’y intéressent, ne nous braquons pas. Détendons-nous, ils sont juste curieux ! 🙂
Il y a un coté mystique et parfois fascinant dans notre situation, pour ceux qui ne l’ont pas vécu. Dans le fait que quelqu’un n’ait jamais connu ses parents biologiques et puisse les retrouver. De plus, si un de nos proches entamait de telles recherches, je pense que nous aimerions (même secrètement) être tenus au courant de ses avancées.
Parents adoptifs fermés :
Si ils évitent le sujet de l’adoption, c’est peut-être parce qu’ils n’ont pas résolu un conflit passé avec eux-même, une blessure de leur enfant intérieur. Et pour des raisons qu’ils ne savent exprimer, ils resteront secrets vis à vis d’elle. Dommage, car c’est faire preuve de bien envers soi que de prendre soin de s’écouter. Une réaction en chaîne va alors se produire : L’ego va facilité le déni qui va bloquer la communication, qui va entraîner des incompréhension, puis interprétations (souvent mauvaises), puis des conflits… Un classique.
Une solution :
Parler de ses craintes et de ses attentes, autant d’un coté que de l’autre, facilitera grandement les rapports et le déroulement des choses. Ceci demandera de se mettre à nu et de se montrer tel que nous sommes face à l’autre. Ça demande un grand courage face à nos peurs d’enfant intérieur, mais c’est adulte.
Ce n’est pas parce qu’un adopté va retrouver sa famille biologique qu’il abandonnera sa famille adoptive. De même qu’une famille adoptive ne devrait pas considérer cette envie de retrouvaille comme une trahison. Plus chacun aura parlé de ses besoins, plus l’harmonie sera présente.
Si malgré ça, vous arrivez à un désaccord, alors vous devez prendre conscience que vous faites cette démarche de recherche pour vous-même. Chercher d’où on vient est une façon de prendre en main son avenir.
5) Être capable de gérer le retour :
Pendant les retrouvailles, certains adoptés sont “aux anges”. Tout va bien durant cette “union”. Puis, le retour chez soi est souvent lourd. Surtout quand la famille biologique habite à l’étranger.
Parfois les moyens de communication ne sont pas les mêmes et nous n’avons plus ce rapport direct en face à face. Il s’agira donc de gérer une relation à distance. N’oublions pas que notre mère biologique ressentira également un manque.
Certains cas sont vécus comme une seconde séparation. Il est bon de se rappeler que les conditions actuelles sont différentes : Nous avons enfin retrouvé notre famille biologique (preuve qu’elle existe belle et bien) et nous pouvons encore communiquer avec eux grâce à internet (où au téléphone). Nous sommes au 21ème siècle ! À nous de maintenir les rapports à distance, c’est une manière adulte de considérer ceux avec qui nous sommes proches.
Il est également normal, dans les premiers temps, de garder souvent le contact. Un peu à la manière des adolescents dans leurs premières histoires amoureuses. Ce genre de relation s’équilibrera au fur et à mesure.
Il est bon de ne pas parler que d’émotions. D’alterner progressivement avec des sujets de la vie quotidienne, qui sont plus légers… Et SURTOUT, de ne pas parler QUE de soi. Nous devons prendre le temps de nous intéresser à notre mère biologique également ; elle a une vie et des rêves aussi. Pareil pour les autres membres de la famille biologiques.
Ce sont ces petites choses qui nous rapprocheront réellement et feront que nous aurons une place dans l’amour de l’autre.
Dans le cas contraire
Certains adoptés prétendront qu’ils iront voir leur famille biologique juste par curiosité. Ils sont venus puis repartis comme si rien n’avait changé dans leur vie, sans donner de nouvelles à leur mère de naissance, prétendant qu’ils ont fait ce qu’ils avaient à faire.
Derrière reste une mère perplexe ou encore plus blessée. En effet, nous ne sommes pas seul dans cette histoire… Notre mère de naissance peut peut-être avoir dépenser beaucoup d’énergie pour surmonter toutes ses émotions qu’elle n’a pas pu gérer au moment de l’abandon. Elle fait alors un grand pas en avant pour nous. Pourquoi ne pas vouloir le lui rendre ?
Nous pouvons prendre conscience qu’une telle froideur vis à vis d’elle est peut-être un comportement de déni. Certains adoptés ont d’ailleurs une loyauté biaisée envers leurs parents adoptifs.
Ces derniers ont été vus comme leurs sauveurs. Ceux qui les sauvaient d’une fin, de l’abandon définitif. Ce qui les poussa à les considérer comme les seuls guides auxquels faire confiance. Nous imaginons bien les sentiments à l’égard de leurs mères d’origines dans ce cas là : rancune, froideur, mépris, prétextant l’indifférence…
Cette loyauté est biaisée, dans le sens où les parents adoptifs pourraient être une bonne cachette pour ne pas avoir à affronter ce qui nous travaille réellement : Notre rapport passé ‘irrésolu’ envers notre mère biologique.
Sinon, ça peut être une façon de montrer à la mère ce que ça fait d’être abandonnée à son tour : “Je te fais ce que tu m’as fait.” Ces ressentis ne sont pas conscient. Nous sentons juste quelque chose en nous qui fait que nous ne voulons pas prendre contact avec elle, point. Ces un sentiment très fermé, comme si nous évitions quelque chose, et très infantile…
Ce n’est donc pas un comportement adulte que d’être dans une tentative d’évitement et c’est également égoïste de notre part. Nous ne pouvons pas avoir provoqué un tel chamboulement dans la vie de personnes et repartir comme si de rien n’était. Nous sommes en face de personnes ressentant également des émotions fortes vis à vis de nos comportements. Nous n’aimerions pas vivre la même chose si nous étions à la place de notre famille biologique.
Donc, on prend les choses en main et on communique, comme avec nos parents adoptifs, afin de mieux connaitre l’autre !
Conclusion :
Le point commun de tous ces points est qu’il est bon de savoir gérer nos émotions face à l’autre, et de façon adulte. Pour retrouver ceux à qui nous nous identifions génétiquement, il ne faut pas nous laisser dominer par des émotions lointaines… Apprendre à faire la part des choses…
Même si nous n’avons pas les mêmes centres d’intérêts que notre famille biologique, nous partageons quelque chose que nous ne partageons avec personnes d’autres, les gènes ou comme on dit : les liens du sang. Et ce, autant d’un coté que de l’autre. Une responsabilités est donc en place dés le moment où l’on franchit le pas vers l’autre.