Article de Jocelyn Le Guen, Psychopraticien, né au Brésil le 20 avril 1989, et arrivé en France depuis mes 2-3 mois avec de “nouveaux” parents.
De nombreux adopté(e)s expriment sur les forums et réseaux sociaux leur besoin de retrouver leurs parents biologiques. Une détresse est sentie. L’absence du reflet génétique peut être l’une des explications qui nous dit pourquoi revoir sa famille biologique si serait important. Cet article s’adresse à tous !
Pourquoi revoir sa famille biologique est si important ?
Avant de lire : Cet article est issue de connaissances scientifiques ainsi que de mon expérience en tant qu’adopté. Ceci dit, chaque individu est unique. Prenez du recul et gardez ce qui vous parle, comme d’habitude. 😉
Le reflet génétique, qu’est-ce que c’est ?
Le reflet génétique est le fait de partager des caractéristiques héréditaires avec nos parents. Elles peuvent être physiques : avoir les mêmes yeux que sa mère, le même sourire que son père, la même carrure que son grand-père… Et c’est ainsi entre frères et sœurs.
Mais il s’agit de plus que ça ! Au-delà des mêmes yeux il s’agira d’avoir la même façon de regarder, la même expression de surprise ou même façon de bouger (mimiques ou tics) que nos parents biologiques… Ces petits actes inconscients et spontanés qui sont ancrées de génération en génération au sein de la famille.Attention cependant :
Le reflet génétique manque certes, mais ça ne veut pas dire que son absence empêchera tous les adoptés d’établir une connexion avec leur famille adoptive. Certains ressentent au contraire une relation fusionnelle avec leurs parents adoptifs.
Cet article va donc parler de ceux qui n’ont hélas pas la chance de la ressentir aussi facilement.
Pourquoi est-il important ?
Pour un être humain, le reflet génétique est LE repère permanent au sein de la famille. Il confirme, de manière inconsciente, l’appartenance génétique avec les parents ou la fratrie. C’est se reconnaître instantanément en l’autre.
Pour un bébé :
Un bébé va s’harmoniser (ou s’accorder) avec sa mère biologique. Ses expressions de visage vont se caler facilement aux siennes. Il y aura ce lien mystique et naturel que toute mère biologique peuvent connaître avec leur propre enfant (qu’elles soient maternelles ou pas). Une connexion qui se fait de manière spontanée et qui prouve au fond de chacun, que l’un détient un peu de l’autre.
Face à une mère adoptive, le bébé a plus de mal à s’harmoniser, et certaines mères adoptives le sentent. Il y a un effort à faire pour s’accorder à l’autre : ce n’est pas spontané et il y a comme un mal-aise même si il n’est pas dominant. C’est d’ailleurs parce qu’il n’est pas dominant chez l’adulte qu’il est ignoré parfois.
Un bébé a besoin d’un reflet génétique pour s’apaiser. C’est pour cela que certains sont souvent agités : ils sont perturbés par la séparation avec leur mère d’origine et ne savent comment s’adapter à la nouvelle.
Attention : je ne dis pas que c’est la seule et unique manière d’apaiser un bébé.
Pour un ado :
Ce type de mal-aise se prolonge généralement jusqu’à l’âge adulte.
L’adolescence n’est pas la période la plus facile pour tout le monde… Elle est la plus “questionnante” à un niveau personnel sur notre identité. Déprimante pour certains, conflictuelle avec les parents pour d’autres. En effet, nous cherchons quelqu’un à qui nous référer mais “pour de vrai” cette fois-ci. Car à force de s’adapter aux autres, nous savons qu’il y a forcément quelqu’un sur cette terre avec qui nous n’avons pas d’effort d’adaptation à faire.
Il arrive d’ailleurs que l’on rencontre ces personnes dans nos vies. Pas forcément de manière génétique, mais partageant les mêmes opinions ou habitudes que nous. Nous sommes apaisés lorsque nous sommes avec elles. Puisque nous n’avons plus cette pression d’être inadapté ou mauvais. Tout ceci s’en va et nous exprimons une partie de nous-même que nous exprimons peu avec nos parents ou aux autres… Cette partie est plus proche de notre Vrai Moi.
L’inconvénient est que nous avons tendance à nous raccrocher à la personne en question, comme si elle devait combler tous nos besoins. La blessure d’abandon est jeu. D’où des relations passionnelles et des ruptures douloureuses.
Pour un adulte :
Pour un adulte, il est possible de ne pas savoir qui on est, que ce soit à 20 ans comme à 50 ans… La société n’aide pas quand elle nous montre que la solution à notre problème se trouve dans les achats que l’on peut faire, le boulot que l’on peut trouver, la maison que nous allons acheter, les drogues que nous pouvons consommer… Bref, à l’extérieur.
Un train de vie bien rempli peut détourner des questions dérangeantes sur Soi notamment : un travail prenant (+35h/semaine), des enfants, des activités autres… Ce qui n’empêchera pas aux questions de revenir à n’importe quel moment de la vie. Nos parts de subconscientes peuvent même attendre jusqu’à la retraite si il le faut, afin que nous les écoutions.
En résumé :
Comme tout être humain, on cherche nos semblables pour fuir un sentiment de rejet. Ce dernier correspond à la blessure la plus viscérale et instantanée (voir l’ouvrage de Lise Bourbeau).
Pour les personnes issues de l’adoption comme moi, ce désir de recherche accru se remarque lors de la réouverture des dossiers pour certains, déterminés à retrouver leur famille biologique pour un sentiment d’équilibre.
Pourquoi la notion de reflet génétique est mal comprise ?
Le reflet génétique est une notion incomprise puisqu’elle est prise pour acquis dans les familles biologiques. Dans ces dernières, elle est présente dés la naissance : Une mère avec les mêmes traits génétiques, qui peuvent s’accorder et avec laquelle on peut être direct et spontané. Puis même chose pour le père, puis le frère ou la sœur, etc.
C’est une connexion qui est ressentie et ne peut être expliquée. Les personnes issues de familles biologiques n’ont même pas conscience qu’il serait possible d’avoir vécu sans puisqu’ils ont toujours eu l’habitude d’avoir vécu avec.
Pour vous représenter la situation :
Demandez à quelqu’un, de nature confiante, de vous expliquer pourquoi il a confiance en lui. Il aura du mal à vous l’expliquer puisque c’est une attitude qu’il a acquis naturellement qui s’exécute sans qu’il en ait conscience.
Il est donc difficile pour ceux qui ont vécu avec leurs parents biologiques (même pour certains professionnels) de comprendre le fait de ne pas avoir de reflet génétique.
Un adopté va ressentir totalement l’inverse :
Il ne sait pas ce que c’est d’avoir de reflet, à part le sien dans la glace. Du coup, certains n’ont même pas conscience qu’un reflet génétique leur manque, et ont en permanence ce sentiment indescriptible d’être inadapté.
Me concernant :
Je n’en étais moi-même pas conscient avant de m’y intéresser. J’ai donc compris cet effort (à la longue épuisant) que je faisais face à chaque personne différente que je rencontrais et que je croyais propre à tout le monde.
Quelle est la différence entre ce qui est inné et acquis ?
Ce qui appartient aux gènes est inné : ils servent à prouver que des individus font partie de la même famille : même patrimoine génétique.
Ce qui est acquis, l’est par imitation : tout être humain s’adapte à son environnement et se lie aux siens pour assurer sa survie. Par conséquent, une adaptation est faite pour faire partie de la famille.
Certains adoptés maîtrisent l’art de l’adaptation puisqu’ils suivent un entrainement intensif depuis le berceau. Surtout quand il est motivé par l’envie de s’intégrer à la famille, puisque se retrouver abandonné(e) à nouveau et rejeté(e) est la plus grande hantise.
A force que cette capacité soit répétée, le fait de s’adapter devient acquis. Nous ne rendons même plus compte que nous nous adaptons systématique. Hélas nous n’avons que très rarement l’impression de réussir à nous adapter à 100%… alors nous nous déprimons, nous sentant inadapté. Retour à la case départ.
C’est comme venir d’un autre puzzle et de vouloir à tout prix se clipser avec les pièces du nouveau puzzle. On en a envie de toutes nos forces ! Et on a l’impression d’y être arrivé… D’ailleurs, les autres croiront que nous nous y serons intégrés. Alors que si ils regardent de plus près, si ils analysent, ils verront comme nous ; qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Vouloir se clipser dans le puzzle d’origine, et retrouver notre place (sans forcer), devient presque vital tout d’un coup !
Une adoptée.
À condition d’être prêt(e) :
Tout le monde ne peut pas revoir sa famille biologique d’emblée.
Il faut un minimum de préparation psychologique : savoir que la famille d’origine peut être complètement à l’opposé de ce que vous êtes aujourd’hui par exemple. Ceci peut amener à des désillusions sévères sivous avez misé votre mieux-être sur les retrouvailles.
Conclusion :
Il ne sert donc à rien d’empêcher un(e) adopté(e) de retrouver sa famille biologique. Comme le dit Nancy Newton Verrier : “Je me demande ce qu’espèrent les parents adoptifs en privant leur enfant de retrouver d’où il vient (génétiquement). […] Comment peuvent-ils espérer plus d’amour en privant leur enfant de savoir qui il est ?”
Être obsédé par le fait de savoir qui on est, quand on l’ignore, peut être compréhensible.
Ceci dit, vous devez respecter ceux qui sont prêts à vous accompagner, même si ces derniers ne comprennent pas entièrement ce qui se joue chez vous. L’essentiel est qu’ils aient compris que c’était un important pour votre bien-être personnel, et qu’ils sont prêts à vous soutenir.
Ceux qui vous aiment, vous voudront du bien. Et ce, quelle que soit la vérité sur vos origines. Il est plus facile de “savoir”, que de rester coincé dans l’ignorance.
Évidement, je rappellerai aux adopté(e)s pressé(e)s que le Reflet génétique n’est pas ce qui va réparer tous leurs maux. Une construction personnelle doit être présente avant car c’est ce qui déterminera votre façon de vous sentir, que vous ayez retrouvé vos parents biologiques ou non.
Merci
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