Je veux connaître ma mère biologique

Je veux connaître ma mère biologique

Nées sous X ou abandonnées après la naissance, elles ont voulu mettre un visage sur leur maman. Témoignages de femmes.

Témoignages et propos recueillis par Virginie Lambert-Ferry

Le 14/03/2007

Capture chapeau

 

Je voudrais qu’elle avoue qu’elle est ma mère

 

Gratiane , 53 ans « Je voudrais juste qu’elle me dise : « Oui, je suis ta mère ». »

  • « Longtemps, je n’ai pas osé rechercher ma mère biologique pour ne pas faire de peine à mes parents adoptifs. Pourtant, j’ai toujours voulu savoir d’où je venais. Mais, ne disposant d’aucun élément, je n’avais aucune chance de la retrouver.
    Un jour, à la télévision, une femme qui avait accouché sous X dans une certaine maison maternelle témoignait de son passé. Je me suis dit qu’elle avait peut-être croisé ma mère dans ce même endroit. Eh bien ! c’était le cas.

 

  • En retrouvant cette femme, j’ai appris des choses qui m’ont permis de reconstruire l’histoire de mon abandon et de remonter jusqu’à ma mère biologique.J’ai découvert qu’elle était une fille de bonne famille pied-noir d’Algérie, enceinte d’un jeune homme alors qu’elle était fiancée à un autre. Elle était venue accoucher en France en secret. En moins de dix jours, j’ai réussi à remonter jusqu’à elle et à découvrir son adresse.

 

  • Alors j’ai pris le risque de lui téléphoner, toute seule, sans médiateur. A ce moment-là, je n’attendais rien d’elle et je n’avais rien à lui donner. Je voulais juste connaître mon histoire. Je ne voulais pas mourir sans savoir.

 

  • J’ai foncé tête baissée, ce n’était pas forcément une bonne idée. Je lui ai dit que je cherchais quelqu’un qui avait habité telle ville à telle époque. Ses réponses concordaient et j’ai fini par lui lâcher le morceau. Là, elle a nié en bloc. Elle a même menacé de m’intenter un procès. Puis, quelques minutes après avoir raccroché, c’est elle qui m’a rappelée. Toujours en niant, mais en me donnant comme malgré elle des renseignements.

 

  • Entre nous s’est alors installé un étrange dialogue: elle me racontait sa propre vie en affirmant que c’était celle d’une autre. Ce petit jeu malsain a continué pendant près de deux mois, par téléphone uniquement. Et c’est elle qui m’appelait ! Et puis je me suis lassée d’entendre ses mensonges.

 

  • Aujourd’hui, je sais presque tout sur elle, j’ai découvert que j’avais des frères et sœurs, une famille. Je me dis que j’ai obtenu ce que je désirais, la retrouver. Ce n’est donc plus le même grand vide sidéral qu’avant. Reste qu’ elle refuse toujours la vérité et c’est encore douloureux. A présent, j’aurais juste envie qu’elle me dise : « Oui, c’est moi, je suis ta mère. » Malheureusement, je crois qu’elle ne le fera jamais. »

Je lui en veux de ne pas me rechercher

Camille, 23 ans « Je lui en veux de ne pas me rechercher. »

  • « Je suis née en Corée du Sud et j’ai été adoptée à 2 ans et demi par mes parents français. Pendant mon enfance, je ne leur posais pas particulièrement de questions sur le sujet. Je leur disais simplement que je voulais être blanche pour Noël! C’est seulement depuis l’adolescence que je poursuis cette quête. Je suis métisse et je voudrais savoir à quoi ressemblent ceux qui m’ont mise au monde. Tous les enfants peuvent se projeter sur le visage de leurs parents. Mais pas moi.

 

  • Je me suis rendue en Corée du Sud et j’y ai appris tout ce que je sais sur mes parents biologiques. Là, j’ai pu consulter mon dossier à la fondation d’adoption locale. Ma mère y avait volontairement laissé des traces de mon histoire. J’y ai découvert que mon père était un soldat noir américain qui vivait avec une Sud-Coréenne. J’ai aussi appris que ma mère ne m’avait pas abandonnée à la naissance mais que j’avais été mise en nourrice pendant deux ans. C’est au cours de ce voyage que j’ai su qu’elle était partie vivre aux États-Unis.

 

  • J’ai réussi à retrouver des membres de sa famille en Corée du Sud, mais tous ceux qui l’ont connue sont morts. Les autres ont perdu sa trace. Quant à mon père, mis à part le fait qu’il a été accusé d’un crime grave en Corée alors que ma mère était enceinte de six mois, je n’ai aucun autre élément. Peut-être a-t-il déserté, peut-être pire… Je sais juste son âge, qu’il est passé en cour martiale et qu’il connaît mon existence. C’est mince pour retrouver un homme !

 

  • Aujourd’hui, je crois que je cherche simplement des réponses. Je ne rejette pas mes parents adoptifs. Ils ont réussi à me prouver qu’ils ne m’abandonneront pas. Mais pour me construire, rencontrer mes parents biologiques constituerait un « plus ». Finalement, je ne reproche pas à ma mère de m’avoir abandonnée mais, sans vouloir l’accabler, je commence à lui en vouloir de ne pas me rechercher.

 

  • Je souhaiterais simplement comprendre pourquoi elle n’a pas choisi de m’emmener aux États-Unis avec elle. Et puisqu’elle a demandé à ce que son nom reste confidentiel, je n’ai aucune chance de la retrouver, à moins qu’elle ne décide de contacter la fondation coréenne. Malgré tout, je continue d’espérer. Mon petit ami, dont le cas est assez similaire au mien, a réussi finalement à retrouver sa mère malgré l’absence de nom. Depuis, il est manifestement plus serein. Alors qui sait, un jour peut-être, moi aussi, je la retrouverai… »

Ma mère biologique fait désormais partie de ma vie

Manou, 43 ans « Nous écrivons désormais notre histoire »

  • « Durant mon enfance, on ne parlait jamais vraiment du fait que j’avais été adoptée… Sauf pour en dire que c’était l’histoire merveilleuse d’une mère qui avait choisi sa fille. Mais moi, je n’ai jamais cru à ce conte de fées. J’ai toujours considéré qu’il y avait un vide de trois mois dans ma vie, un vide que je devais combler.

 

  • Ma mère adoptive, elle, me dissuadait de rechercher mes parents biologiques. Elle disait qu’il n’y avait rien dans mon dossier d’adoption. C’est seulement après son décès que j’ai pu envisager de me lancer dans des recherches. Mais j’ai mis dix ans à dépasser mes propres blocages!

 

  • A 30 ans, j’ai donc contacté pour la première fois l’Aide sociale à l’enfance (ASE), qui m’a accordé un rendez-vous. C’était si difficile que j’ai encore attendu dix ans !Mais cette fois-là, tout a été plus facile. D’abord, j’avais mûri. Puis on s’est aperçu que mon dossier comportait ma déclaration de naissance. Ma mère n’avait donc pas accouché sous X et je connaissais désormais son nom. En trois semaines, j’ai pu la localiser. Mais je ne voulais pas entrer dans sa vie brutalement. Je ne voulais pas non plus prendre le risque qu’elle me rejette. Il me fallait son consentement.

 

  • L’ASE lui a donc fait part de mon souhait de la rencontrer. Ma mère biologique a demandé une semaine pour réfléchir et s’est finalement décidée. Quand je l’ai vue pour la première fois, cela a été bouleversant. Étrangement, j’ai tout de suite reconnu quelque chose de familier chez elle, dans le contact physique. Moi qui avais passé ma vie à entendre dire que les liens du sang n’existaient pas, je découvrais que ce n’était pas vrai.

 

  • Quel choc ! Pendant une semaine, nous nous sommes donc revues plusieurs heures chaque jour pour parler de nous, de son histoire, de mes enfants, de génétique aussi. J’avais besoin de savoir quelle avait été sa vie, pourquoi elle m’avait abandonnée. Cela m’a profondément soulagée. Depuis nos retrouvailles il y a deux ans, nous nous voyons régulièrement, nous passons des vacances ensemble, nous nous téléphonons plusieurs fois par semaine.

 

Pour moi, cette rencontre a marqué la fin d’une quête et aussi le début d’une nouvelle vie. Parce que, découvrant cette femme, je me suis retrouvée devant une page blanche à écrire. Et depuis, nous l’écrivons ensemble. Cette mère fait désormais partie de ma vie, et moi de la sienne.»

L’avis de la psy

Dr Fanny Cohen-Herlem*, pédopsychiatre

  • Qu’est-ce qui poussent les enfants abandonnés à retrouver leurs parents biologiques ?

 

On peut être bien avec ses parents adoptifs et vouloir en savoir plus sur les raisons de son abandon. Certains n’ont pas cette volonté parce qu’ils ont intégré la douleur de l’abandon et le désir d’enfants de leurs parents adoptifs. D’autres ont, a contrario, la certitude que retrouver leurs parents biologiques leur permettra de comprendre leur histoire. Mais toutes les mères n’ont pas de réponse à apporter à ces enfants. Le plus souvent, on se retrouve face à des inconnues qui, parfois, rejettent de nouveau leurs enfants. D’où la nécessité de préparer ces rencontres.

  • Cette quête est-elle sans risque ?

 

Il faut se méfier d’une idée aujourd’hui très répandue selon laquelle, si l’on ne sait pas d’où l’on vient, on ne peut pas se construire. C’est faux et de surcroît difficile à supporter pour la majorité des personnes qui ne pourront pas avoir de réponses à cette interrogation. Elles ne seront pas pour autant des adultes perdues. L’origine, ce n’est pas seulement ceux qui m’ont fait naître, c’est aussi et surtout ceux qui m’ont élevé.

* Auteur de l’Adoption. Comment répondre aux questions des enfants…, éd. Pascal.

 

 

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