L’adoption est un passage difficile, long et semé d’embûches. Pour certains parents, l’adoption est évidente, pour d’autres, elle vient parce qu’ils ne peuvent pas avoir d’enfants naturels.
13 oct. 2014 Familles – Lecture : 5 min. Louise-Alison Mulatier
L’adoption, la construction d’une nouvelle histoire familiale
Les raisons pour lesquelles les parents souhaitent adopter sont diverses : pour certains, l’adoption est évidente, pour d’autres elle est le moyen de proposer une vie digne à un enfant ; pour d’autres encore, elle est la solution lorsqu’ils ne peuvent pas avoir d’enfants.
Adopter en France ou à l’étranger ?
Chaque année, ce sont près de 2000 enfants qui ont le statut de pupilles de l’État en France : remis au Service d’Aide Sociale (ASE) à la naissance, ils sont adoptables dans les faits. Cependant, les enfants en voie d’adoption ne représentent que le quart des pupilles, et sont souvent des nourrissons de moins d’un an. Pour les 2/3 restants, il existe de multiples raisons qui font que les projets d’adoption ne sont pas entrepris (liens familiaux existants ou fratrie, handicap, âge élevé, refus de l’enfant…).
Chaque année, 10 000 demandes sont déposées pour des adoptions à l’étranger, pour un faible nombre d’enfants adoptables. Les critères pour adopter un enfant sont spécifiques à chaque pays, certains fermant l’adoption aux personnes seules, etc.
« Adoptions », bande-dessinée de Guillaume Grimonpez, relatant l’adoption de leurs deux enfants en Colombie
L’adoption, un processus long, parfois douloureux
L’adoption est un processus difficile, et ce pour de nombreuses raisons. Lorsque les parents ne peuvent pas avoir d’enfant biologique, il leur faudra notamment faire le deuil de cette filiation, afin de pouvoir entreprendre sereinement une adoption.
La plupart des familles adoptantes racontent l’angoisse, l’attente trop longue, et ce sentiment d’être perdu face à une administration toute puissante. Lorsqu’elles arrivent dans le pays de l’enfant, certaines familles sont aussi parfois choquées par les différences culturelles, ou par les difficultés quotidiennes des habitants.
Un suivi psychologique peut notamment être sollicité par les parents afin de se préparer à la rencontre avec l’enfant, qui peut être très loin des images de bonheur parfait trop souvent mises en avant. Lorsque l’enfant est petit, il est possible qu’il ne se rende pas bien compte de ce qu’il se passe, ce qui peut frustrer les parents. S’il est plus âgé, il sera capable d’exprimer, parfois très violemment, son refus de quitter son environnement.
L’adoption est un processus qui se construit autant du côté des parents que de celui de l’enfant, et de nombreux parents expliquent que, si la rencontre avec l’enfant s’est bien passée, ils ont mis du temps à le considérer comme leur propre enfant.
Après cette rencontre, une période d’intégration de plusieurs semaines permettra aux parents et à l’enfant de prendre leurs repères ensemble. Période qui n’est pas toujours aisée, chacun subissant des grands bouleversements.
L’adoption est l’histoire d’une rencontre, de deux histoires difficiles : pour les parents, cela peut être l’impossibilité d’avoir un enfant, ou la difficulté du processus d’adoption, alors que l’enfant sera marqué par l’abandon à la naissance. C’est pourquoi le lien entre les parents et l’enfant peut être d’autant plus dur à mettre en place.
À la fin de la période d’intégration, qui se fait dans le pays de l’enfant, la famille et l’enfant réaliseront des entretiens en compagnie d’un psychologue et d’un avocat, afin d’analyser la période, et d’évaluer la possibilité que l’enfant reste dans la famille. Ce processus est une épreuve supplémentaire pour les parents et l’enfant qui ont entamé la construction d’un lien, notamment car, si la décision du psychologue est négative, l’enfant sera renvoyé dans son orphelinat.
Si le résultat de cet entretien est positif, la famille et l’enfant devront encore attendre avant de rentrer tous ensemble à la maison. En effet, un jugement doit être rendu et des papiers délivrés à l’enfant afin qu’il puisse retourner sur le territoire de la famille.
La plupart des témoignages de parents s’accordent à dire que la relation avec un enfant adopté est difficile à construire. D’ailleurs, à propos de leur premier enfant, Guillaume Grimonprez déclare :
« (Il) papillonnait de couple en couple, (…) un peu comme si tout adulte pouvait potentiellement devenir son papa ou sa maman. Un an sera nécessaire pour que les choses se « normalisent » et pour que la greffe prenne ».
C’est pourquoi de nombreux psychologues, spécialisés dans l’adoption et le lien parents-enfants, proposent aux familles de mettre en place un suivi pour aller vers la construction du lien familial.
À noter que de nombreux témoignages pointent du doigt le fait que l’adoption soit vue comme quelque chose de magnifique, et que le lien avec l’enfant soit immédiat, alors qu’il est le fruit d’un travail long et fatiguant, autant de la part des parents que de l’enfant.
Certains parents expliquent que, malgré toutes les préparations et la batterie de tests auxquels ils sont soumis, rien ne les prépare à vivre avec un étranger, étranger que vous avez pourtant promis d’aimer inconditionnellement. Les familles se rendent compte que rien n’oblige leur enfant à les aimer, et que, fortement perturbés et en colère, ceux-ci peuvent être invivables, ce qui les fait culpabiliser.
Entre troubles de l’attachement, dépression post-adoption et retards administratifs qui peuvent causer le désespoir, une aide psychologique est souvent salvatrice pour les familles, afin d’apprendre à construire le lien filial et d’envisager l’avenir plus sereinement.
Beaucoup de parents adoptants ayant déjà des enfants, naturels ou eux-mêmes adoptés, expliquent la difficulté pour le premier enfant de faire une place à ce nouvel arrivant. Un enfant adopté demande en effet énormément d’attention de la part des parents, ce qui peut conduire le premier enfant à se sentir délaissé, à se questionner sur le fait que ses parents aiment un enfant qui n’est pas le leur.
Une thérapie familiale peut être particulièrement indiquée dans ce cas, car elle permettra de rétablir une communication dans la famille, aux enfants et aux parents de se parler, et ainsi à chacun de reprendre sa place.
Adopter l’enfant de son conjoint : officialiser une famille
Dans le cas de familles recomposées, il est possible d’envisager une adoption des enfants du conjoint. Si cela permet bien évidemment, de manière sentimentale, d’officialiser une famille, cela permet aussi de mieux protéger les enfants.
« Mes sœurs sont enfin devenues mes vraies sœurs grâce à l’adoption » – Témoignage de L.
« Je vis dans une famille qu’on pourrait qualifier de très recomposée : ma mère a eu deux filles avec deux hommes différents, tandis que mon père a eu une fille avec une première femme. Lorsque nous sommes arrivées, ma petite sœur et moi, nous avions déjà trois grandes demi-sœurs, ce qui est une chance fabuleuse.
Lorsque mes deux grandes sœurs, les filles de ma maman, ont eu des enfants, et que nos parents sont devenus grands-parents, s’est alors posée la question de protéger tout ce petit monde, mais aussi d’officialiser enfin notre statut de véritable famille.
C’est ainsi que mon père a pris la décision d’adopter mes deux grandes sœurs. Le processus a été assez long : d’innombrables passages chez le notaire, des douzaines de papiers, des actes rédigés par les membres de la famille certifiant que nous ne nous opposions pas à cette adoption, mais aussi des témoignages de garants. Une fois tous ces documents réunis, il a fallu attendre le jugement qui rendrait la décision.
Lorsque nous avons su que c’était positif, cela a été une véritable fête !
Si cela ne change rien pour moi car mes sœurs l’ont toujours été entièrement, par de « demie » qui tienne, je suis heureuse que cela soit enfin officiel. Aux yeux de la loi, nous sommes une vraie famille, avec des liens égaux. De plus, les enfants de mes sœurs sont devenus mes « vrais » neveux et nièces ! »
Les images proviennent du blog BD « Adoptions », de Guillaume Grimonprez
Article tiré du site https://www.psychologue.net/articles/ladoption-la-construction-dune-nouvelle-histoire-familiale?pro_launch=75