Être fille-mère et se faire appeler Humiliance

PUBLIÉ LE MERCREDI 25 AVRIL 2018

Mère repentante

Des infirmières prennent soin de bébés à la crèche de la Miséricorde de Montréal en 1956. Photo : Radio-Canada

« Il y a toujours eu des enfants hors de ce que l’Église appelait le cadre saint, le mariage », affirme l’historien Jean-François Nadeau. Il a pourtant fallu attendre le 19e siècle pour qu’une aide s’organise afin de permettre aux filles-mères de réintégrer la société malgré leur péché.

Les naissances d’enfants illégitimes augmentent considérablement au 19e siècle en raison de l’industrialisation, explique Jean-François Nadeau : « C’est un changement social qui est en train de se produire. On passe dans un cadre où on est dans un univers d’entreprise, de fractionnement du travail. Ça change le mode de vie. »

Entre 1801 et 1810, on recense 632 enfants illégitimes baptisés, précise l’historien. Dans les temps forts de la révolution industrielle, vers 1861-1870, on en dénombre 7848.
C’est Rosalie Jeté, veuve et mère de plusieurs enfants, qui est parmi les premières à se préoccuper du sort des filles-mères, indique Jean-François Nadeau. Elle fonde les Sœurs de Miséricorde et se porte au secours des jeunes femmes célibataires qui sont tombées enceintes. Elle les reçoit d’abord dans un grenier, puis dans un bâtiment qui leur est consacré. L’objectif est de cacher ces jeunes filles le temps de leur grossesse pour ensuite les réintégrer à la société.

Pendant des décennies, les filles-mères seront accueillies par les Sœurs de Miséricorde pour accoucher, puis devenir des religieuses ou des servantes. Leurs enfants leur seront enlevés pour être mis en adoption, ou devenir de la main-d’œuvre bon marché.
C’est une « usine à pauvreté », selon Jean-François Nadeau.
Une vie cloîtrée

La vie est loin d’être rose pour les filles-mères chez les Sœurs de Miséricorde, souligne l’historien. « On n’entre pas pour accoucher et en repartir », dit-il.
Deux semaines après avoir donné naissance, les jeunes filles doivent accomplir différentes tâches pendant six mois afin de payer leur dette.

Elles vivent cloîtrées, dans la honte. L’historien mentionne qu’au moment de leur accueil, les religieuses leur attribuent un nom temporaire, tels Humiliance ou Fructueuse, dans le but de leur rappeler le péché qu’elles ont commis. « Imaginez : vous êtes enceinte, vous êtes laissée seule à vous-même, et on vous force à vous appeler Fructueuse pendant six mois », dit-il.

« Une aide qui était ici comme infirmière m’a raconté il y a plusieurs années qu’elle avait vu une de ces jeunes femmes tenter de se jeter dans le vide depuis un des étages pour s’enlever la vie », ajoute Jean-François Nadeau.
Qui sont les filles-mères?

L’historien indique que les filles-mères sont pour la plupart des femmes issues des classes populaires de la ville et de la campagne, âgées de 18 à 22 ans.

En 1929, elles sont 2335 à être admises à l’hôpital de la Miséricorde. Dix ans plus tard, elles sont toujours aussi nombreuses.

Les Sœurs de la Miséricorde accueilleront les filles-mères jusque dans les années 1960.

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