Ma troisième année 8e extrait de mon livre
On se préparait à nouveau pour la prochaine année scolaire, et cette année-là j’avais encore mes souliers bruns pour la nouvelle année. Cette troisième année fut très difficile pour moi. J’ai encore en tête le nom de madame Francine, cette institutrice qu’on appelait la maîtresse, et qui fut l’instigatrice de mes malheurs. Tous les matins, elle procédait à une inspection concernant l’hygiène. Dans son armoire, elle avait un récipient, un savon, une serviette et une débarbouillette. Une à une, elle nous faisait venir sur la tribune à côté de son bureau, et elle nous inspectait, et selon son évaluation, elle nous lavait devant le groupe. C’était le trauma tous les matins pour moi.
Rien à faire, je n’y échappais jamais. Je crois que ce rituel n’avait été mis en place que pour moi…tantôt les ongles, une main, une oreille, une jambe, bref, il y avait toujours quelque chose, malgré un bain la veille et une autre toilette le matin, et Dieu sait comment je me frottais pour éviter de telles humiliations. De plus, lorsqu’il m’arrivait de ne pas comprendre une consigne ou une explication, elle venait à mon pupitre et elle me frappait au niveau de la tempe avec son poing fermé dont un doigt portait une bague avec une grosse pierre, en me disant : « Si tu ne comprends pas, je vais te retourner en Afrique ». Je ne savais même pas ce qu’était l’Afrique et ce que sous-entendaient de tels propos, mais je savais qu’elle ne m’aimait pas, ça, c’était certain, et je comprenais qu’il y avait un lien entre ma couleur et la saleté, qui l’obligeait toujours à me laver. J’en vins à me trouver sale moi-même. Ces genoux et ces coudes plus foncés me faisaient horreur, et malgré mes tentatives, je ne pouvais rien y changer.
Cette maîtresse se débarrassait de moi dès qu’elle le pouvait, elle m’envoyait très souvent chez la directrice. Ce qu’elle ne savait pas, c’est que la sœur directrice m’aimait; elle jouait avec moi et elle me montrait à jouer aux cartes et aux dames. Je crois qu’elle devait savoir ce qui se passait.
Au bout d’un certain temps, ce petit manège où je me battais avec le savon matin et soir a pris fin. Un matin, ma mère a refusé que j’aille me laver, alléguant que j’étais propre. Surprise de me voir si bouleversée, elle m’a questionnée, et en pleurant, voulant surtout la convaincre de me laisser me laver, je lui ai expliqué pourquoi j’agissais ainsi. Elle se rendit à l’école rencontrer la sœur directrice, et cette pratique matinale cessa enfin. J’en fus très soulagée, mais la pratique avait fait son œuvre quant à ma différence, et cela n’empêchait pas ma maîtresse de se débarrasser de moi autant qu’elle le pouvait. Elle continuait bien à vouloir me retourner à l’occasion en Afrique, mais comme je ne savais toujours pas ce que c’était, ça ne me dérangeait pas trop, mais par contre, ses coups de bagues à ma tempe, eux, me dérangeaient.
Mon amie Simone a parlé de cela à sa mère qui m’aimait bien, car j’allais jouer à l’occasion chez elle après l’école. Sa mère après m’avoir parlé de façon très adéquate, a exigé que je raconte tout cela à ma mère, malgré le fait que je lui disais que ça ne me dérangeait pas. Pour elle, cette situation était inacceptable, et je ne méritais pas d’être traitée de la sorte. Je devais en parler à ma mère, sinon elle le ferait elle-même. J’en ai parlé le soir même à ma mère, car je savais qu’il était mieux pour moi qu’elle ne l’apprenne pas par quelqu’un d’autre. Le lendemain, elle se rendit une seconde fois voir la directrice, et cette autre pratique cessa. Mon rendement scolaire était optimal. J’aimais l’école, j’aimais apprendre et découvrir, cela, madame Francine ne pouvait me l’enlever.
De plus, j’avais des parents très exigeants. Leurs attentes se résumaient ainsi : de fortes notes et des A au niveau du comportement, effort, assiduité, politesse, etc., seuls des A étaient acceptés. Pas de problème, je répondais bien aux normes exigées. Il y a bien une fois où j’avais eu un B, mais ce n’est arrivé qu’une seule fois. J’en avais beaucoup entendu parler, et une pénitence m’avait été donnée.
Ma page Facebook Manon Bélanger auteure
Thèmes : racisme, adoption et lecture
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Je vous remercie et à bientôt…
Très touchant l’extrait de ton livre où tu parles de ta troisième année d’école. Ta résilience et ta grande capacité d’adaptation pour ne pas dire, ton instinct de survie dans un «monde blanc» raciste, m’impressionne chère Manon. Tu m’épates. Bravo à toi chère amie.
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Merci Patricia pour ce commentaire très apprécié. Effectivement, cette petite fille a pu naviguer assez sereinement dans les torrents de la vie, et grâce à cette résilience, elle a toujours aimé et apprécié la Vie,..
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Quelle bellle photo de toi! Cette histoire, veridique est tres triste… Aucune personne ne merite d’etre traitee de la sorte! Je n’en reviens pas!!! C’est pour cela que tu as due te faire une « Bonne Carapace ». Cela avec briaux. Bravo!!!
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En effet France, j’ai dû me faire une bonne carapace pour me protéger, comme toutes personnes qui vit une différence, quelle qu’elle soit… c’est souvent par ignorance et/ou inconscience que certaines personnes ont peine à composer avec les différences.
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